jeudi 17 octobre 2013

Un livre remarquable sur Mgr Pie, évêque de Poitiers



Le Centre théologique de Poitiers propose, en partenariat avec l'Institut Jacques Cartier, une soirée avec Maurice Mathieu, auteur d'une biographie remarquable du Cardinal Pie, évêque de Poitiers entre 1849 et 1880. Plus jeune évêque de France (né en 1815, il a 34 ans !), il sera créé cardinal en 1879 par Léon XIII.
Si Monseigneur Pie était vénéré de son vivant à l’égal d’un Père ou d’un docteur de l’Église, il fut relégué dans l’ombre, comme bien d’autres par l’institution religieuse, lorsque celle-ci estima qu’il existait un décalage par rapport à ses positions.,À Poitiers, l’influence de Mgr Pie s’est prolongée bien au-delà de son épiscopat. Pourtant aujourd’hui, le temps et le dénigrement ayant fait leur oeuvre, le rôle joué par cet évêque a été minimisé. Maurice Mathieu et la Société des antiquaires de l’Ouest ont décidé de remettre en lumière cet homme, sa place et son activité prépondérante dans la vie de Poitiers.

Après l’ouvrage sur Monseigneur Augouard, Maurice Mathieu s’attaque à une nouvelle grande figure épiscopale de Poitiers. L’auteur s’interroge principalement sur les motifs exacts de la désaffection relativement récente de Mgr Pie (Concile Vatican II) et sur la manière dont le prélat est devenu l’un des fondateurs du catholicisme social.

 Livre publié par Geste Editions, 2013, 416p., 22 €

 A l'amphithéâtre Gaston Morin de l'Ecole de Commerce de Poitiers, rue Jean Jaurès, le jeudi 14 novembre à 18h.

 


M. Mathieu (en collaboration avec la Société des Antiquaires de l'Ouest), Monseigneur Pie, évêque de Poitiers (1849-1880). Un prélat dans la tourmente de l’Église, La Crèche, Geste éditions, 2013, 416 pages.


Pour qui ignore tout de Monseigneur Pie, évêque de Poitiers entre 1849 et 1880, il suffit de parcourir le diocèse pour faire le relevé de la centaine d’églises bâties sous son épiscopat et des nombreuses chapelles construites ou rénovées. Cela est si vrai que son biographe décrit, à la fin du XIXe siècle, la campagne poitevine hérissée de « flèches qui surmontent d'élégantes églises encore blanches de jeunesse » (p. 88). Mgr Pie lui-même, avec le génie rhétorique qu'on lui connaît, osera la formule : « Quand Dieu a fait l'Univers, il a bâti la maison de l'homme, quand l'homme bâtit un temple, il fait la maison de Dieu ».

Pour autant, l’œuvre épiscopale de Mgr Pie est trop oubliée. Le livre de Maurice Mathieu présente, par le détail et de façon très vivante, le diocèse de Poitiers en ce milieu du dix-neuvième siècle recevant avec enthousiasme le plus jeune évêque de France : Pie a alors 34 ans ! Il participera à tous les grands débats de son temps. Il ne semble avoir peur de rien et s'il fait œuvre de bâtisseur, c'est bien pour mettre son diocèse en ordre de marche, c'est-à-dire en situation d'annoncer l’Évangile. Par la formation, du clergé d'abord mais aussi de tout le peuple de Dieu, par l'exaltation des Missions et de la figure du missionnaire (c'est sous son épiscopat que meurent martyrs Augustin Bourry ou Théophane Vénard), par la mise en valeur de l’œuvre de saint Hilaire et de bien des figures spirituelles, Mgr Pie n'aura de cesse que de rendre sa fierté au diocèse de Poitiers avec le projet de mettre un terme à l'erreur Révolutionnaire qui aurait pu faire échouer le christianisme. Mgr Pie se sent ainsi investi de cette mission de restaurer « l'image splendide de l’Église triomphante ».

Cette restauration passe aussi par la défense des thèses ultramontaines. Mgr Pie ne ménagera pas sa peine pour exalter l'autorité pontificale, en défendant notamment la proclamation du dogme de l'Immaculée conception (1854) mais aussi le Syllabus de Pie IX, catalogue condamnant les idées modernistes (1864). Mais c'est surtout au premier concile du Vatican que l'influence de Mgr Pie fut la plus forte : il fera tout son possible pour préparer et soutenir la promulgation de l'infaillibilité pontificale, afin de montrer au monde « qu'il n'y a qu'une seule souveraine puissance et que cette souveraineté réside tout entière dans le vicaire du Christ » (p. 179). Quelques mois avant sa mort, en 1879, ce long travail lui valut d'être créé cardinal par Léon XIII. Au total, Mgr Pie aura participé à tous les débats qui agitaient non seulement l’Église mais toute la société française de la deuxième partie du dix-neuvième siècle.

Il faut remercier Maurice Mathieu de cette vaste et passionnante enquête. On regrettera juste de ne pas pouvoir mieux saisir la vie pastorale la plus ordinaire du diocèse sous l'épiscopat de Mgr Pie. Mais il faut lire ce livre pour comprendre un homme et un monde qui ont, certes, disparus mais qui nous portent jusqu'aujourd'hui.


Éric Boone
(recension publiée dans Eglise en Poitou du 14 novembre 2013)

 

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