Le salut aujourd'hui comme au temps des Pères
Actes du quinzième colloque hilarien, colloque tenu à Poitiers en janvier 2014
Avec les interventions de :
Yves-Marie Blanchard,
prêtre du diocèse de Poitiers, Professeur émérite du Theologicum de
l'Institut catholique de Paris : " La question du salut chez Hilaire de
Poitiers"
Charbel Maalouf,
prêtre, Curé de la paroisse grecque-melkite de Paris, enseignant au
Theologicum de l'Institut catholique de Paris : "Les Noms du Christ : la
voie du salut"
Michel Fédou, prêtre, jésuite, Professeur aux Facultés jésuites de Paris (Centre Sèvres) : "La question du salut aujourd'hui"
80 pages - mai 2014
A commander auprès du Centre théologique de Poitiers (5€ plus port)
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Yves-Marie Blanchard, introduction :
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Yves-Marie Blanchard, introduction :
« Si l'on en croit Hilaire
lui-même et ses biographes, le grand docteur poitevin ne découvrit
l'âpreté du débat théologique post-nicéen – et du même coup
n'entra dans l'histoire – qu'en 356 lors du Concile, ou synode, de
Béziers. Sa résistance aux pressions impériales, voulant imposer
aux Gaules une confession de foi minimaliste en matière
christologique, lui valut, outre la notoriété, l'épreuve de quatre
années d'exil en Phrygie : épreuve qualifiante – au sens
sémiotique du mot – si l'on veut bien considérer l'enrichissement
personnel et la fécondité ecclésiale d'une telle immersion,
linguistique, culturelle et théologique, au sein de l'Orient grec,
celui-là même auquel nous devons le Concile de Nicée, réuni
trente ans plus tôt (325).
La référence ainsi posée au
Credo de Nicée nous permet de redire l'enjeu proprement
sotériologique du Symbole alors adopté par les Pères conciliaires
: non seulement clarification théorique des fondements trinitaires
de la foi authentique – c'est-à-dire « orthodoxe » au
sens premier du terme – et commune à toutes les Églises, selon le
double principe de catholicité et apostolicité désignant la
Tradition, aussi bien dans l'espace que dans le temps, mais du même
coup proclamation kérygmatique du don de Dieu, ou salut, communiqué
aux hommes moyennant la médiation christologique, autrement dit le
mystère de l'Incarnation du Fils unique, non pas « fait »
chair selon une traduction maladroitement calquée sur un texte latin
mal analysé, mais « devenu » chair, « advenu »
à la condition humaine historique dans sa vulnérabilité et sa
contingence, toutes valeurs inscrites dans la notion johannique de
« chair » ici reprise par le Concile... »
Charbel Maalouf, conclusion :
"En
conclusion, pour le Nysséen, le salut est le chemin de la communion
au Christ, de la participation au mystère pascal, du renoncement au
mal, de la transformation vers le bien, de la divinisation de l’être
de l’homme. Il est l’expérience synergique de la donation de
Dieu dans l’histoire de l’économie et dans la vie sacramentaire
et de la démarche de l’homme dans la perfection et la vertu. Voilà
pourquoi, à l’instar de la perfection, le salut est non seulement
l’expérience de l’Infini dans le fini, de l’Incréé dans le
créé, de l’Illimité dans le limité mais aussi du fini dans
l’Infini, du créé dans l’Incréé, du limité dans l’Illimité !
En bref, il est synonyme de l’expérience infinie, illimitée et
éternelle du Mystère pascal du Christ Sauveur, appropriée et vécue
par le chrétien comme une amitié avec Dieu.
Laissons
la parole à Grégoire de Nysse et terminons notre intervention
sur le salut chez lui par le point d’orgue de sa contemplation sur
le chemin du salut accompli par Moïse :
« Voilà
donc, ô homme de Dieu, Césaire, le bref exposé que je te présente
au sujet de la perfection de la vie vertueuse, où j’ai décrit la
vie du grand Moïse comme un exemplaire expressif de la beauté, afin
que chacun de nous, par l’imitation de ses œuvres, transcrive en
soi l’image de cette beauté qui nous a été proposée […]. Car
c’est là réellement la perfection, de ne plus abandonner la vie
pécheresse par crainte du châtiment à la manière des esclaves, ni
d’accomplir le bien dans l’espérance des récompenses,
trafiquant de la vie vertueuse dans une mentalité intéressée et
calculatrice, mais, regardant plus haut que tous les biens qui nous
sont réservés en espérance selon les promesses, de ne craindre
qu’une chose, de perdre l’amitié divine, et de n’estimer
qu’une chose honorable et aimable, de devenir ami de Dieu, ce qui
est, à mon sens, la perfection de la vie »
Michel Fédou, fin de la première partie :
« Un
théologien asiatique, Aloysius Pieris, a traité de la question du
salut dans le contexte des grandes religions asiatiques. Or il a
développé la thèse suivante : en amont des appellations
« Christ », « Fils de Dieu » ou « Seigneur »,
le langage des chrétiens renvoie d’abord à une expérience
fondamentale qui est également présente aux autres religions (même
si, bien évidemment, le langage chrétien est original et spécifique
par sa manière même de se référer à la personne et à
l’enseignement de Jésus). Car pour A. Pieris toutes les grandes
religions, en dépit des dérives ou perversions dont elles portent
la marque, reconnaissent fondamentalement un « mystère du
salut » qui se manifeste lui-même sous une forme trine (sinon
trinitaire). Je cite Pieris : « Ce qui est absolu ou
unique n’est pas le titre, mais ce que toutes les grandes religions
annoncent depuis des siècles, soit dans des catégories théistes,
soit selon des formulations non-théistes, à savoir le mystère du
salut qui s’exprime au moins sous une forme triple (si ce n’est
trinitaire) » ; les trois dimensions sont celles-ci :
-
d’une part, un au-delà qui constitue un salut (Yahweh, nirvana,
brahman) ;
-
d’autre part, une médiation salvifique (davar/imago
Dei/dharma,
etc.) ;
-
enfin, une puissance salvatrice qui est donnée à l’homme, une
capacité humaine au salut ou une force de salut habitant en l’homme.
« Dans
un tel contexte, écrit A. Pieris, la signification d’une
expression comme « Fils de Dieu » dépend de la
découverte du point sensible dans le cœur de l’Asiatique, où
Jésus, en nous faisant redire son histoire, trouvera le langage qui
convient pour nous faire part de son identité unique au sein de ce
mystère tridimensionnel. » C’est dans le cadre de ce mystère
à trois dimensions que la vie de Jésus peut être comprise dans son
originalité, depuis son baptême jusqu’au Calvaire.
L’auteur,
en fait, insiste avant tout sur des convergences entre l’expérience
chrétienne et l’expérience bouddhique, en tant qu’elles
renvoient l’une et l’autre au Mystère du salut dans sa forme
tridimensionelle ; je voudrais plutôt montrer, ici, comment la
tradition chrétienne – et d’abord celle que nous héritons des
Pères – est marquée par des options propres, comment elle est
porteuse d’une annonce spécifique du salut et qui est en même
temps une « bonne nouvelle » pour l’humanité.
S’il
fallait une formule brève pour résumer la proposition chrétienne
du salut, je choisirais cette formule-ci : Dieu sauve, par un
homme, pas sans l’homme. Les trois éléments de cette formule vont
être successivement développés. »
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